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PORT-ROYAL.

La race et la souche bien posée, il est temps de se restreindre à la ligne directe, à la branche même d’où Port-Royal sortit, et de parler à fond de M. Arnauld l’avocat, le second fils de M. de La Mothe, le cadet de M. de La Mothe du siège d’Issoire, l’un des aînés de M. Arnauld du Fort et le père de tous les nôtres.

Il avait succédé à son père dans la charge de procureur-général de la reine Catherine de Médicis, qu’il exerça jusqu’à la mort de cette princesse. En devenant quitte de cette charge, il laissa en même temps celle d’auditeur des Comptes qu’il y joignait, pour se livrer tout entier au barreau. C’est un des types de cette noble lignée d’avocats du seizième siècle, dont Loysel, l’un des plus respectables lui-même, nous a dressé l’histoire. M. Simon Marion, avocat également et plus ancien, entendant un jour le jeune Arnauld plaider, en fut si transporté qu’il l’emmena dans son carrosse, et le retint à dîner chez lui ; il lui donna bientôt sa fille unique en mariage. M. Marion fut dans la suite président des Enquêtes, puis avocat-général. Il avait une extrême ardeur d’avancer sa famille honnêtement, comme on l’entend dans le monde : on en a des preuves dans l’abbaye qu’il fit avoir à sa petite-fille. De plus, c’était un grand orateur, au dire du cardinal Du Perron : il avait la voix fort émouvante. M. d’Avoye avait dit un jour au car


    nauld l’avocat : « Quoiqu’il eût toujours été très-bon catholique, né de parents très-catholiques, leurs écrivains (ceux de la Société de Jésus) n’ont pas laissé de le traiter de huguenot, descendu de huguenots. » Pauvre Vérité ! en voilà un petit exemple, mais bien précis : comme chacun la tire à soi ! — Le journal le Semeur, du 6 septembre 1848, a publié un article intitulé les Arnauld huguenots (par M. Roget, de Genève), où la question est examinée de près, et de plus près que je ne l’ai dû faire ici, mais toujours en tirant à soi le plus d’Arnauld qu’on peut, et cette fois du côté de Genève. (Voir une lettre du docteur Arnauld, du 18 avril 1692.)