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LIVRE PREMIER

et qui était assez coulant sur le chapitre des messes ou des abbayes, devait promptement réussir. Mais à Rome, pour avoir les Bulles, c’était négociation plus délicate, et il y eut besoin de dissimuler, disons mieux, d’altérer le chiffre des âges.

L’abbé de Cîteaux, pour faire sa cour à M. Marion, amena la dame Jeanne de Boulehart, abbesse de Port-Royal, âgée et infirme, à prendre en 1599, pour coadjutrice, la jeune Jacqueline, l’aînée des deux soeurs. Et, sur ce même temps, l’abbaye de Saint-Cyr, de l’Ordre de Saint-Benoît, étant devenue vacante, on l’obtint pour la petite Jeanne, la cadette. Henri IV donna parole, ou même brevet d-e l’une et de l’autre faveur. Seulement il fut convenu qu’une dame Des Portes, religieuse de Saint-Cyr, y aurait le titre et y remplirait les fonctions d’abbesse par procuration, jusqu’à ce que Jeanne eût atteint ses vingt ans. L’autre cas, celui de la coadjutorerie de Port-Royal, était plus simple; car on comptait que la dame Boulehart vivrait encore un peu longtemps.

Les cérémonies de vêture ne tardèrent pas. On conduisit Jacqueline à l’abbaye de Saint-Antoine des Champs (au faubourg Saint-Antoine), le 1er septembre 1599, et le lendemain l’abbé de Cîteaux lui donna sa bénédiction solennelle; en même temps elle prit l’habit de novice. Le jour de Saint-Jean de l’année suivante (1600), Jeanne prenait également l’habit de novice à Saint-Cyr, en présence de la même nombreuse compagnie qui avait assisté à la cérémonie de sa soeur.

Une fois pourvues comme coadjutrice et comme abbesse, il ne s’agissait plus que d’élever les deux petites filles, de les accoutumer à la religion, et de les former aux charges qu’elles allaient tenir. Les deux sœurs avaient été d’abord huit mois ensemble à Saint-Cyr, dans l’intervalle de la bénédiction de Jacqueline à la prise d’habit de Jeanne. Ensuite on les sépara, et Jac-