Page:Sainte-Beuve - Volupté.djvu/103

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sa blessure ; mon âme n'était plus une pure fontaine à ses pieds, pour réfléchir et noyer ses pleurs. L'esprit sincèrement gémissant se retirait de dessous mes paroles ; tout en les prononçant de bouche. souillé d'intention, j'avais honte de moi, bien autrement honte, je vous assure, qu'après les mauvais soirs où j'avais erré confusément : car ici c'était une figure distincte, la première de cette espèce que j'eusse remarquée, suivie, - et à la face du soleil !

Ceci se passait la veille de Noël, l'avant-veille de notre départ. M. de Couaën c'était suffisamment entendu avec les personnages du parti ; pour moi, je n'avais été immiscé à aucune relation directe. Cette journée de Noël fut employée par nous au repos et aux saints offices. Le petit couvent s'emplit, bien avant l'aube, de cantiques, de lampes et d'encens : ces vieilles voix de Carmélites semblaient rajeunir. Nous allâmes toutefois le matin à Saint Jacques-du-Haut-Pas, pour y jouir plus en grand de la solennité renaissante. L'impression de madame de Couaën ne s'était pas dissipée ; sa souffrance, qui avait pris un air de calme, reparaissait dans l'attitude insistante et profondément affectée de sa prière. Rempli de cette vue, sollicité par de si touchants alentours convaincu au-dedans d'humiliante fragilité, l'idole de ma raison ne tint pas ; un rayon du berceau divin, du berceau de Bethléem m'effleura un moment ; je me retrouvai en présence de mes jours les plus vifs de croyance et de grâce, avec un indicible sentiment de leur fuite ; je souhaitai de les ressaisir, j'étendis la main vers ce berceau rédempteur qui me les offrait. Oh ! qu'elle demeure étendue, cette main suppliante, qu'elle ne se lasse pas, qu'elle se dessèche avant que de retomber ! Où étiez-vous, Anges du ciel, mes bons patrons pour la soutenir ?

J'ai faibli jusque-là sans doute, j'ai divagué dangereusement, j'ai convoité et caressé l'écueil ; mais il y avait lieu au simple