Page:Sainte-Beuve - Volupté.djvu/104

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retour encore ; cette année chrétienne, en commençant, m'eût pu prendre dans son cours, comme le flux d'une marée plus haute reprend l'esquif oublié des marées précédentes. Ma réforme se serait faite avant l'entière chute ; rien d'absolument mortel n'était consommé. Hélas ! non pourtant, j'étais déjà trop sous la prise mortelle, trop au bord de ma perte, pour qu'un autre effort qu'un effort désespéré m'en tirât ; je m'agenouillai et m'agitai vainement sur la pente. Dans ce geste d'un moment vers le berceau lumineux, C'était moins une arche abritée et sûre, à l'entrée du déluge des grandes eaux, que j'invoquais pour mon salut de l'avenir, qu'une innocente corbeille de fruits aimables et regrettés que je saluais d'une imagination passagère. La volonté en moi ne voulut pas ; la grâce d'en haut glissa comme une lueur. Combien d'autres Noëls semblables, que celui-ci m'eût épargnés, combien de Pâques me revirent de la sorte, mais ayant déjà roulé au fond et tout dégradé, à mon Dieu ! formant des vœux impuissants, des résolutions à chaque heure contredites ; me proposant, Seigneur, des points d'appui et des temps d'arrêt solennels dans cette rechute insensée, tantôt suspendue à votre crèche, tantôt aux angles du saint tombeau ; implorant pour me tenir un des clous mêmes de votre Croix, et m'écriant : " A partir de cette Pâques du moins ou de ce Noël, je veux mourir et renaître ; je jure de ne plus retomber ! ” et la facilité déplorable, énervante, semblait redoubler avec mes efforts ; jusqu'au jour enfin, où la volonté et la grâce concordant mystérieusement, et comme deux ailes égales venues à la fois me portèrent à l'asile de tendresse et de fixité, au roc solide qui donne la source jaillissante.

Nous quittâmes Paris après beaucoup d'adieux à madame de Cursy, qui nous fit promettre de bientôt revenir. Notre retour, par des pluies continuelles, fut morne