Page:Sainte-Beuve - Volupté.djvu/147

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épars, faites-les tous rentrer, s'il se peut, en un même nuage ! Elle, elle seule demeurait pour moi l'être incomparable, le but rayonnant et inaccessible, le bien idéal et excellent.

Ma vie se reprenait d'autant plus nécessairement à la sienne par certains côtés de tendresse et d'adoration, que je sentais d'autre part le flot rongeur m'en séparer davantage.

Le mécontentement que j'avais désormais de moi produisait plus souvent entre nous des inégalités, des secousses passagères ; et, au point où nous en étions, chaque secousse resserrait le lien. Peut-être aussi j'abordais plus hardiment l'intimité avec elle, assuré du préservatif ruineux. Au moindre ennui, à la moindre émotion trop vive, par dégoût ou par ardeur, j'allais, j'errais, j'usais ma disposition du moment, et je rentrais plus calme et me croyant insensible à ses pieds.

Nous atteignîmes le printemps. M. D... nous tint parole, et le marquis put être transféré à une maison de santé près de Passy. Madame de Couaën décida de se loger immédiatement à Auteuil, pour être à portée de faire sa visite chaque jour. Ce qui la fixa vers ce lieu, outre l'agrément du bois et le bon air qu'y respireraient les enfants, ce fut que la jeune femme obligeante dont j'ai parlé, épouse du secrétaire intime, madame R., y passait les étés d'ordinaire, qu'elle devait y aller avant peu de semaines, et que son instant désir d'avoir madame de Couaën pour voisine prévenait chez celle-ci toute hésitation. Je continuai d'habiter mon logis près du petit couvent ; mais j'allais chaque après-midi à Auteuil ; quand il était un peu tard, je me rendais directement à la maison de santé, où je trouvais