Page:Sainte-Beuve - Volupté.djvu/198

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séjour. Mes promesses d'ailleurs mes serments de rejoindre se renouvelaient au bout de chaque phrase. Mais quand le bruit du soudain départ se répandit dans le petit couvent, ce fut une désolation générale ; les bonnes religieuses entouraient madame de Couaën et madame de Cursy gardait tendrement embrassés les enfants. Il fut décidé qu'une messe serait dite chaque matin pendant les trois derniers jours pour le salut du marquis et une favorable issue des choses.

L'après-midi s'avançait ; il me prit une extrême impatience de retrouver Georges de l'informer de ce que je savais et d'entendre de lui un mot déterminant. J'ignorais l'endroit précis de sa retraite, et ma ressource fut de croiser aux mêmes lieux où je l'avais déjà rencontré. Durant deux longues heures, sous la bise, je recommençai la tentative.

Mon cerveau s'exaltait dans l'attente stérile ; il me sembla que je voyais repasser souvent certaines figures qui rôdaient également aux environs et sans doute dans des intentions moins bienveillantes. Je rentrai de guerre lasse à la nuit close, et, ne découvrant sous ma porte carte ni billet, pour occuper ma fièvre errante, je me fis conduire en cabriolet jusque chez madame R. Elle était seule, un manteau jeté sur son vêtement blanc, assez altérée de la veille et tout autre, aussi affaiblie qu'elle avait été vive. Je me sentais mal sûr de moi et n'y restai que peu de moments, hâtant derechef ma course vers nos lointains boulevards. Les grossières délices trouvaient place encore dans quelque intervalle de ces empressements contraires.

Lorsque j'arrivai dans la chambre du marquis, il était en train d'écrire et tournait le dos à madame de Couaën assise sur une espèce de sofa près de la cheminée ; je m'y jetai à côté d'elle, et, plein d'une frénésie à froid et sans but, je me mis à parler d'abord comme un homme désespéré, en proie aux plus violentes tristesses : “ Tout à l'heure en longeant ces désertes