Page:Sainte-Beuve - Volupté.djvu/208

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huit heures et demie, j'assistai, dans la chapelle du petit couvent, avec madame de Couaën, les enfants et toute la communauté, à la messe qui avait pour but spécial d'implorer un heureux voyage et un séjour là-bas non troublé. Au lieu d'un livre de messe, comme un simple fidèle, et de suivre pas à pas les saints mystères, j'y avais porté, pour lire, le volume de l'Imitation : je comptais méditer et non prier.

Mais ce traité si excellent, joint à l'impression de la solennité dans l'étroite enceinte, aux hymnes par moments chantées tout haut, qui succédaient à la récitation murmurée du prêtre, opéra inopinément sur moi et me sollicita à de vifs retours. J'y lisais dans ce précieux livre, toutes sortes de réponses directes aux questions sourdes qui m'agitaient ; par exemple : “ Ne soyez familier près d'aucune femme, mais, en commun, recommandez toutes les honnêtes femmes à Dieu. ” Et, si je m'alléguais que ce verset s'appliquait surtout à des moines, je trouvais bientôt cet autre que je ne pouvais récuser : “ Opposez-vous au mal dès l'origine, car voici la marche : d'abord une simple pensée qui traverse l'esprit, puis une image forte qui s'y attache, le plaisir par degrés qu'on y prend, et le mouvement à mauvaise fin, et l'abandon. ” Et plus loin à propos des vaines délices qu'on poursuit dans le désordre et qu'on recueille dans l'amertume, je lisais encore et répétais avec adhésion fervente (et j'aurais frappé ma poitrine, si j'avais osé) : “ Oh ! qu'elles sont courtes, qu'elles sont fausses, qu'elles sont déréglées et honteuses toutes ! ” Et au jugement où, pénétré de ces misères et saisi d'un élan nouveau, je m'écriais en moi-même : “Que ne puis-je persévérer en ces pensées ! ” comme je reprenais le livre et le rouvrais au hasard un des rayons du matin, m'arrivant par un coin du vitrage bleu du fond tomba tout exprès pour illuminer à mes yeux ce verset secourable : “ Quelqu'un dont la vie se