Page:Sainte-Beuve - Volupté.djvu/243

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dans ses retours à Saint-Cloud où il accompagnait son ministre ; il venait dîner une ou deux fois la semaine, et toujours dans de parfaites, mais froides apparences. J'étais bien avec lui, quoique sans intimité, et il ne semblait surpris ni choqué de nos rencontres.

Et qu'était devenue ma foi aux choses de Dieu, la foi qui tout précédemment en mon cœur s'annonçait comme renaissante ? qu'elle était loin en fuite et au néant, chassée sans plus de bruit qu'une ombre ! A certains moments d'intervalle paisible ou morne dans la vie, il n'est pas rare qu'il s'élève et se forme autour de nous comme une atmosphère religieuse, et qu'une espèce de nuage nourricier s'assemble et s'abaisse aux environs. On y baigne, on le sent déjà qui arrose ; les jeunes rameaux s'ouvrent et boivent aux sucs invisibles. Mais que vienne la tempête, ou seulement une bouffée trop hardie du printemps, un flot plus ardent du soleil, et voilà la nuée dissoute et balayée.

Ainsi mes sentiments avaient fui. La foi durable et vivante se compose de l'atmosphère et du rocher, et je n'avais eu que l'atmosphère.

L'étude malgré tout renouée, un ou deux cours sérieux dont je suivais les leçons assez de lectures au hasard mais principalement philosophiques sauvaient chaque matin quelques heures de la dissipation des journées. Dès mon lever pourtant d'ordinaire, dans cette première fleur du désir, j'écrivais pour madame R. une lettre à la Saint-Preux, que moi-même je lui remettais plus tard ; et, quoiqu'il n'y eût aucune difficulté de nous voir ni de causer, j'avais plaisir à ne lui rien laisser perdre du frais butin que j'amassais dans la courte absence, et de toutes ces perles folles que secoue, en le voulant, une imagination tant soit peu amoureuse. A ce collier des perles du réveil, à ce bouquet cueilli des matinales pensées, succédaient des diversions plus graves,