Page:Sainte-Beuve - Volupté.djvu/259

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valu un affront. Un jour, à un dîner chez elle, où il y avait bon nombre d'invités, la conversation générale s'étendit sur madame de Couaën. Une dame qui l'avait rencontrée, en passant récemment à Blois, disait qu'elle était à ne pas reconnaître, fort maigre, et d'un moment à l'autre très pâle ou avec des plaques vives aux joues. Je restai fixe et consterné à ces détails. Madame R.s'était levée sous un prétexte, et avait quitté la chambre.

En rentrant, elle me trouva le visage tout noyé et luttant avec des pleurs que je m'efforçais de dérober aux convives.

Quelques instants après, comme on passait au salon, elle s'approcha de moi et me dit dans un éclair irrité : “ Oh ! vous l'aimez bien ! ” En ces moments jaloux, le plus subit changement se faisait en elle ; ce n'était plus rien du nom d'Herminie ; à la soie onctueuse et cendrée de son front, à l'ivoire mat et tiède de sa joue, succédait une légère et dure verdeur comme métallique. Ses lèvres avaient des accents clairs et vibrants, le rire lui sortait d'un gosier moqueur ; elle frit d'une coquetterie folle toute cette soirée. Je ne pouvais mieux la comparer alors qu'au malicieux sphinx de bronze que je vous ai dit. Je le lui écrivais à elle-même le lendemain ; je me justifiais de mes pleurs, et m'attachais à lui prouver que celui-là ne serait pas digne d'elle, qui, en ma place, ne les eût pas sentis déborder. Elle en convenait sans peine, et se désarmait, et reprenait les molles couleurs. Mais la confiance vraie ne se rétablissait pas à fond ou plutôt elle ne fut jamais, en aucun temps, établie entre nous.


Perplexités, mon ami, que je ne puis vous rendre, si vous-même n'y avez point passé, qu'il ne faut point mesurer à l'étendue des motifs apparents, et que compliquaient