Page:Sainte-Beuve - Volupté.djvu/302

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céleste y dominait, comme s'il eût été chanté dans les sphères, sur des milliers de lyres !...

Un jour, au matin, étant allé chez madame de Cursy, je lus une lettre de Blois qui venait d'arriver à l'instant même.

Madame de Couaën y avait mis un mot de compliment pour moi à la fin. Sa lettre entière exprimait un sentiment de résignation, de calme, de bonheur possible jusque dans la souffrance. Après ce mot de souvenir à mon intention, elle ajoutait : “ Dites-lui, ma bonne tante, vous qui savez si bien la douceur de l'acceptation volontaire, dites-lui ce que le cœur pieux gagne en bonheur à une vie simplifiée. ” Oui, je voulais simplifier ma vie, en accepter les ruines récentes. en rétablir les fondements en un lieu haut et sacré. d'où l'étoile du matin s'apercevrait à chaque réveil.

Rentré chez moi dans ces pensées, j'y trouvai précisément une lettre de mon aimable et mondain ami, qui m'écrivait de sa terre où il était retourné. De soudaines catastrophes avaient bouleversé sa passion, jusque-là trop embellie ; la bise du malheur ramenait à Dieu cette aile longtemps légère. Il me donnait des nouvelles de mademoiselle Amélie, sa voisine de campagne, qu'il avait vue depuis peu, et qui l'avait frappé par un redoublement d'abnégation et de constance ; madame de Greneuc était devenue plus infirme, et mademoiselle Amélie ne la quittait pas. Après quelques regrets sur ses propres années, dissipées si loin des devoirs : “ Mon ami, ajoutait-il, croyez-en un naufragé des passions, retirez-vous à temps de ces sirènes.

Il est des époques, les printemps surtout, les premières brises dans la forêt, où toutes les âmes que nous avons aimées et blessées reviennent à nous ; elles reviennent dans les feuilles, dans les parfums de l'air, dans l'écorce aux gerçures saignantes, qui simulent des chiffres ébauchés ; elles nous assiègent, elles nous pénètrent ; notre cœur est en proie par tous les points. Pauvres âmes, vous êtes