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LE PICCININO.

Mila, quels sont ces cheveux que vous portez sur votre cœur et dans un médaillon si précieux ?



Que viens-tu faire ici, petite ? (Page 23.)

― Curieux que tu es ! tu es aveugle et lourd comme tous les curieux. Tu ne les reconnais pas ? Tu ne te souviens pas d’où ils me viennent ?

― Non, en vérité.

― Eh bien, pose-les auprès des tiens, et tu les reconnaîtras, quoique ta tête ait un peu bruni depuis un an.

― Chère petite sœur ! oui, je me souviens, en effet, que tu les a coupés sur mon front le jour où tu as quitté Rome… et tu les a conservés ainsi !…

― Je les portais dans un petit sac noir. Mon amie Agathe m’a demandé de quel saint était la relique de mon scapulaire, et quand je lui ai dit que c’étaient les cheveux de mon frère unique et bien-aimé, elle les a pris en me disant qu’elle me les renverrait le lendemain ; et, le lendemain, elle me faisait remettre par notre père ce beau joyau plein de tes cheveux. Pourtant il en manquait. Le bijoutier qui les a enchâssés là-dedans en aura volé ou perdu.

― Perdu, cela se peut, dit Michel en souriant, mais volé !… Ces cheveux n’ont de prix que pour toi, Mila !

X.

PROBLÈME.

― Mais, enfin, d’où vient cette amitié de la princesse, reprit Michel après une pause, et quel service lui as-tu jamais rendu pour qu’elle te fasse de pareils présents ?

― Aucun. Mon père, qui est bien avec elle, m’a emmenée un jour au palais pour me présenter. Je lui ai plu ; elle m’a fait mille caresses ; elle m’a demandé mon amitié, je la lui ai promise et donnée tout de suite. J’ai passé la journée toute seule avec elle à me promener dans sa villa et dans ses jardins. Depuis ce temps-là, j’y vais quand je veux, et je suis toujours sûre d’être bien reçue.

― Et tu y vas souvent ?

― Je n’y suis encore retournée que deux fois, car il n’y a pas longtemps que j’ai fait connaissance avec elle. Depuis huit jours, je sais que le palais a été sens-dessus-dessous pour les apprêts de ce bal, et j’aurais craint de gêner ma chère Agathe dans un moment où elle avait sans doute beaucoup d’occupations. Mais j’irai dans deux ou trois jours.