Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 10a13 1855 Gerhard.djvu/550

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J’arrivai à Nérac, je courus chez le sous-préfet, M. Haussmann, aujourd’hui préfet de la Seine. Je ne me rappelle pas s’il était déjà le beau-frère de mon digne ami M. Artaud. Ce dernier a épousé sa sœur. Je sais que j’allai lui demander aide et protection, et qu’il monta sur-le-champ dans ma voiture pour courir à Guillery, qu’il me fit rendre ma fille sans bruit et sans querelle, qu’il nous ramena à la sous-préfecture avec mes compagnons de voyage, et qu’il ne voulut pas nous permettre de retourner à l’auberge, ni de partir avant deux jours de repos, de paisibles promenades sur la jolie rivière de Beïse et le long des rives où la tradition place les jeunes amours de Florette et de Henri IV. Il me fit dîner avec d’anciens amis que je fus heureuse de retrouver, et je me souviens que l’on causa beaucoup philosophie, terrain neutre en comparaison de celui de la politique, où le jeune fonctionnaire ne se fût pas trouvé d’accord avec nous. C’était un esprit sérieux, avide de creuser le problème général ; mais un savoir-vivre exquis l’empêcha de soulever aucune question délicate.

Je me souviens aussi que j’étais si peu versée dans la philosophie moderne à cette époque, que j’écoutai sans trouver rien à dire, et qu’au retour je disais à mon compagnon de route :

« Vous avez discuté avec M. Haussmann sur des matières où je n’entends rien du tout. Je n’ai,