Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/197

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temps du monde. Seuls nous ne faisions rien, le chasseur et moi, au milieu de tous ces visages affairés. Pour moi, appuyé sur mon sabre, la pipe à la ……, l’œil stupidement fixé sur ce spectacle, je me disais à part moi : « Je suis né dans une condition plus riche et plus élevée que ces gros négocians qui ont des maisons en ville, des vaisseaux en rade, de l’or plein leurs coffres ; et moi, soldat de la République, je n’ai pour toute propriété que mon sabre et ma pipe. Mais les glaces, mais le feu, mais les voleurs, mais les douaniers ne m’empêchent pas de dormir. Que d’inquiétudes de moins ! Que la ville s’effondre, que le port et tout ce qui est dedans s’engloutisse, je m’en moque….. et même, je dirais à la hussarde, je m’en…. Travaillez pour vous-mêmes, canailles, amassez de l’argent ; nous, nous travaillerons pour notre pays et nous recueillerons de l’honneur. Mon métier vaut bien le vôtre. »

« Là-dessus, laissant mon chasseur à bord, occupé à vider quelques bouteilles avec son ami le négociant, je suis revenu trouver ma chanoinesse, qui m’avait promis d’avoir un grand mal de tête pour se dispenser d’aller à la comédie, ce qui lui permettrait de rester seule chez elle toute la soirée.