Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/503

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qu’elle a pris cette précaution, je me suis souvenue en effet. Ainsi, en voyant ces liserons en fleurs, elle me dit : « Respire-les, cela sent le bon miel, et ne les oublie pas ! » C’est donc la première révélation de l’odorat que je me rappelle, et par un lien de souvenirs et de sensations que tout le monde connaît sans pouvoir l’expliquer, je ne respire jamais des fleurs de liserons-vrille sans voir l’endroit des montagnes espagnoles et le bord du chemin où j’en cueillis pour la première fois.

Mais quel était cet endroit ? Dieu le sait ! Je le reconnaîtrais en le voyant. Je crois que c’était du côté de Pancorbo.

Une autre circonstance que je n’oublierai pas, et qui eût frappé tout autre enfant, est celle-ci : Nous étions dans un endroit assez aplani, et non loin des habitations. La nuit était claire, mais de gros arbres bordaient la route et y jetaient par momens beaucoup d’obscurité.

J’étais sur le siége de la voiture avec le jockey. Le postillon ralentit ses chevaux, se retourna et cria au jockey : Dites de ne pas avoir peur, j’ai de bons chevaux. Ma mère n’eut pas besoin que cette parole lui fût transmise ; elle l’entendit, et s’étant penchée à la portière, elle vit aussi bien que je les voyais trois personnages, deux sur un côté de la route, l’autre en face, à dix pas de nous environ. Ils paraissaient petits et se tenaient immobiles. — Ce sont des voleurs, cria ma mère ;