Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/504

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postillon, n’avancez pas, retournez !

retournez ! Je vois leurs fusils.

Le postillon, qui était Français, se mit à rire, car cette vision de fusils lui prouvait bien que ma mère ne savait guère à quels ennemis nous avions affaire. Il jugea plus prudent de ne pas la détromper, fouetta ses chevaux, et passa résolument au grand trot devant ces trois flegmatiques personnages, qui ne se dérangèrent pas le moins du monde et que je vis distinctement, mais sans pouvoir dire ce que c’était. Ma mère, qui les vit à travers sa frayeur, crut distinguer des chapeaux pointus, et les prit pour une sorte de militaires. Mais quand les chevaux excités, et très effrayés pour leur compte, eurent fourni une assez longue course, le postillon les mit au pas, et descendit pour venir parler à ses voyageuses. « Eh bien, mesdames, dit-il en riant toujours, avez-vous vu leurs fusils ? Ils avaient bien quelque mauvaise idée, car ils se sont tenus debout tout le temps qu’ils nous ont vus. Mais je savais que mes chevaux ne feraient pas de sottise. S’ils nous avaient versés dans cet endroit-là, ce n’eût pas été une bonne affaire pour nous. — Mais, enfin, dit ma mère, qu’est-ce que c’était donc ? — C’étaient trois grands ours de montagne, sauf votre respect, ma petite dame. » Ma mère eut plus peur que jamais. Elle suppliait le postillon de remonter sur ses chevaux et de nous conduire bride abattue jusqu’au plus