Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/544

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Nous touchâmes enfin la terre, ou plutôt un grand mur à pierres sèches surmonté d’un hangar. Il y avait, derrière ce hangar, quelques habitations, et, à l’instant même, plusieurs hommes vinrent à notre secours. Il était temps : la calèche sombrait aussi avec la chaloupe, et une échelle nous fut jetée fort à propos. Je ne sais ce qu’on fit pour sauver l’embarcation, mais il est certain qu’on en vint à bout ; cela dura plusieurs heures, pendant lesquelles ma mère ne voulut pas quitter le rivage ; car mon père, après nous avoir mises en sûreté, était redescendu sur la chaloupe pour sauver nos effets d’abord, et puis la voiture, et enfin la chaloupe. Je fus frappée alors de son courage, de sa promptitude et de sa force. Quelque expérimentés que fussent les matelots et les gens de l’endroit, ils admiraient l’adresse et la résolution de ce jeune officier qui, après avoir sauvé sa famille, ne voulait pas abandonner son patron avant d’avoir sauvé sa barque, et qui dirigeait tout ce petit sauvetage avec plus d’à-propos qu’eux-mêmes. Il est vrai qu’il avait fait son apprentissage au camp de Boulogne ; mais, en toutes choses, il agissait de sang-froid et avec une rare présence d’esprit. Il se servait de son sabre comme d’une hache ou d’un rasoir pour couper et tailler, et il avait pour ce sabre (probablement c’était le sabre africain dont il parle dans sa dernière lettre) un amour extraordinaire, car, dans le premier moment d’incertitude