Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/545

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où nous nous étions trouvés en abordant, pour savoir si la chaloupe et la calèche sombreraient immédiatement, ou si nous aurions le temps de sauver quelque chose, ma mère avait voulu l’empêcher d’y redescendre, en lui disant : « Eh ! laisse aller tout ce que nous avons au fond de l’eau, plutôt que de risquer de te noyer ; » et il lui avait répondu : — « J’aimerais mieux risquer cela que d’abandonner mon sabre. » C’était, en effet, le premier objet qu’il eût retiré. Ma mère se tenait pour satisfaite d’avoir sa fille à ses côtés et son fils dans ses bras. Pour moi, j’avais sauvé mon bouquet de roses flétries avec le même amour que mon père avait mis à nous sauver tous. J’avais fait grande attention à ne pas le lâcher en sortant de la calèche à demi submergée et en grimpant à l’échelle de sauvetage.

C’était mon idée, comme celle de mon père était pour son sabre.

Je ne me souviens pas d’avoir éprouvé la moindre frayeur dans toutes ces rencontres. La peur est de deux sortes. Il y en a une qui tient au tempérament, une autre à l’imagination. Je ne connus jamais la première, mon organisation m’ayant douée d’un sang-froid tout semblable à celui de mon père. Ce mot de sang-froid exprime positivement la tranquillité que nous tenons d’une disposition physique, et dont par conséquent nous n’avons pas à tirer vanité.

Quant à la frayeur qui résulte d’une excitation maladive de l’imagination