Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/584

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comme elle savait le faire, et il ne faisait pas bon de lui avoir déplu. Quand elle était bien à son aise, c’était le langage incisif, comique et pittoresque de l’enfant de Paris, auquel rien ne peut être comparé chez aucun peuple du monde ; et, au milieu de tout cela, il y avait des éclairs de poésie, des choses senties et dites comme on ne les dit plus quand on s’en rend compte et qu’on sait les dire.

Elle n’avait aucune vanité de son intelligence et ne s’en doutait même pas. Elle était sûre de sa beauté sans en être fière, et disait naïvement qu’elle n’avait jamais été jalouse de celle des autres, se trouvant assez bien partagée de ce côté-là. Mais ce qui la tourmentait par rapport à mon père, c’était la supériorité d’intelligence et d’éducation qu’elle supposait aux femmes du monde. Cela prouve combien elle était modeste naturellement, car les dix-neuf vingtièmes des femmes que j’ai connues dans toutes les positions sociales étaient de véritables idiotes auprès d’elle. J’en ai vu qui la regardaient par-dessus l’épaule, et qui, en la voyant réservée et craintive, s’imaginaient qu’elle avait honte de sa sottise et de sa nullité. Mais qu’elles eussent essayé de piquer l’épiderme, le volcan eût fait irruption et les eût lancées un peu loin.

Avec tout cela, il faut bien le dire, c’était la personne la plus difficile à manier qu’il y eût au monde. J’en étais venue à bout dans ses dernières