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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/121

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dans le goût de l’empire, où demeurait, je crois, un ex-fournisseur des armées. Il nous permettait d’aller courir dans son jardin, qui n’était, en réalité qu’un fond de cour planté et sablé, mais où nous trouvions moyen de faire bien du chemin. Au dessus de nous demeurait Mme Perrier, fort jolie et pimpante personne, belle-sœur de Casimir Périer. Au second, c’était le général Maison, soldat parvenu, dont la fortune était certainement respectable, mais qui a été l’un des premiers à abandonner l’empereur en 1814. Ses équipages, ses ordonnances, ses mulets couverts de bagages (je crois qu’il partait pour l’Espagne à cette époque, ou qu’il en revenait) remplissaient la cour et la maison de bruit et de mouvement ; mais ce qui me frappait le plus, c’était sa mère, vieille paysanne qui n’avait rien changé à son costume, à son langage et à ses habitudes de parcimonie rustique ; toute tremblotante et cassée qu’elle était, elle assistait dans la cour, par le plus grand froid, au sciage des bûches et au mesurage du charbon. Elle avait des querelles de l’autre monde avec le concierge, à qui elle arrachait des mains la bûche dite bûche du portier, lorsqu’il la choisissait un peu trop grosse. Cela avait son beau et son mauvais côté ; mais je défie que d’ici à longtemps on fasse passer le paysan de la misère à la richesse, sans porter son avarice à l’extrême. L’existence de cette pauvre