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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/151

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outes parts. Quand nous arrivâmes à Paris, le nouveau mot de M. de Talleyrand courait les salons : « C’est, disait-il, le commencement de la fin. » Ce mot, que j’entendais répéter dix fois par jour, c’est à dire par toutes les visites qui se succédaient chez ma grand’mère, me sembla niais d’abord, et puis triste, et puis odieux. Je demandai ce que c’était que M. de Talleyrand, j’appris qu’il devait sa fortune à l’empereur, et je demandai si son mot était un regret ou une plaisanterie. On me dit que c’était une moquerie et une menace, que l’empereur le méritait bien, qu’il était un ambitieux, un monstre. « En ce cas, demandai-je, pourquoi est-ce que ce Talleyrand a accepté quelque chose de lui ? »

Je devais avoir bien d’autres surprises. Tous les jours j’entendais louer des actes de trahison et d’ingratitude. La politique des vieilles comtesses me brisait la tête. Mes études et mes jeux en étaient troublés et attristés.

Pauline n’était pas venue à Paris cette année-là ; elle était restée en Bourgogne avec sa mère, qui, toute femme d’esprit qu’elle était, donnait dans la réaction jusqu’à la rage, et attendait les alliés comme le Messie. Dès le jour de l’an, on parla de Cosaques qui avaient franchi le Rhin, et la peur fit taire la haine un instant. Nous allâmes faire visite à une des amies de ma grand’mère vers le Château-d’Eau : c’était, je crois, chez Mme Dubois. Il y avait plusieurs personnes, et