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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/152

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des jeunes gens qui étaient ses petits-fils ou ses neveux. Parmi ces jeunes gens, je fus frappée du langage d’un garçonnet de treize ou quatorze ans, qui, à lui seul, tenait tête à toute sa famille et à toutes les personnes en visite. « Comment, disait-il, les Russes, les Prussiens, les Cosaques sont en France et viennent sur Paris, et on les laissera faire ? — Oui, mon enfant, disaient les autres, tous ceux qui pensent bien les laisseront faire. Tant pis pour le tyran, les étrangers viennent pour le punir de son ambition et pour nous débarrasser de lui. — Mais ce sont des étrangers ! disait le brave enfant, et par conséquent nos ennemis. Si nous ne voulons plus de l’empereur, c’est à nous de le renvoyer nous-mêmes ; mais nous ne devons pas nous laisser faire la loi par nos ennemis, c’est une honte. Il faut nous battre contre eux ! » On lui riait au nez. Les autres grands jeunes gens, ses frères ou ses cousins, lui conseillaient de prendre un grand sabre et de partir à la rencontre des Cosaques. Cet enfant eut des élans de cœur admirables dont tout le monde se moqua, dont personne ne lui sut gré, si ce n’est moi, enfant qui n’osais dire un mot devant cet auditoire à peu près inconnu, et dont le cœur battait pourtant d’une émotion subite à l’idée enfin clairement énoncée devant moi du déshonneur de la France. « Oui, moquez-vous, disait le jeune garçon, dites tout ce que vous voudrez, mais qu’ils