Aller au contenu

Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/179

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

le grand pastel du salon, avec une veste de chambre en taffetas feuille-morte à boutons de diamant et les cheveux relevés avec un peigne, une palette à la main, et vis-à-vis d’un paysage ébauché couleur de rose et bleu turquoise ; mais vieux, cassé, en grand habit carré, en bourse et ailes de pigeon, gros, flasque et courbé sur une table de travail, comme il devait être peu de temps avant de mourir. J’avais mis sur l’adresse de ma lettre : « Place ta réponse derrière ce même portrait du vieux Dupin. Je la trouverai demain quand tu seras partie. » Il ne me restait plus qu’à trouver un moyen d’avertir ma mère d’avoir à chercher derrière ce portrait ; j’y accrochai son bonnet de nuit : et, dans le bonnet de nuit, je mis un mot au crayon : « Secoue le portrait. »

Toutes mes précautions prises, je revins me coucher, sans faire le moindre bruit ; mais je restai assise sur mon lit, dans la crainte que la fatigue ne vainquît ma résolution. J’étais brisée par les larmes et les émotions de la journée, et je m’assoupissais à chaque instant, mais j’étais réveillée en sursaut par les battemens de mon cœur, et je croyais entendre marcher dans le corridor. Enfin minuit sonna à la pendule de Deschartres dont la chambre n’était séparée de la mienne que par la muraille. Deschartres monta le premier ; j’entendis son pas lourd et régulier, et ses portes fermées avec une majestueuse lenteur. Ma mère vint un quart d’heure