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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/187

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faim en voyage, d’offrir en paiement une perle de mon collier, ou une petite brisure de mes vieux ors. Chemin faisant, je trouverais bien un orfèvre à qui je pourrais vendre ma bonbonnière, mon peigne ou ma bague, et je me figurais que j’aurais encore de quoi dédommager ma mère, en arrivant, de la dépense que j’allais lui occasionner.

Quand je crus m’être ainsi assurée de la possibilité de ma fuite, je me sentis un peu plus calme, et dans mes accès de chagrin, je me glissais dans la chambre sombre et déserte, j’allais ouvrir l’encoignure et je me consolais en contemplant mon trésor, l’instrument de ma liberté. Je commençais à être, non plus en imagination, mais en réalité, si malheureuse que j’aurais certainement pris la clef des champs, sauf à être rattrapée et ramenée au bout d’une heure (chance que je ne voulais pas prévoir, tant je me croyais certaine d’aller vite et de me cacher habilement dans les buissons du chemin), sans un nouvel accident arrivé à ma grand’mère.

Un jour au milieu de son dîner, elle se trouva prise d’un étourdissement, elle ferma les yeux, devint pâle, et resta immobile et comme pétrifiée pendant une heure. Ce n’était pas un évanouissement, mais plutôt une sorte de catalepsie. La vie molle et sans mouvement physique qu’elle s’était obstinée à mener avait mis en elle un germe de paralysie qui devait l’emporter plus