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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/188

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tard, et qui s’annonça dès lors par une suite d’accidens du même genre. Deschartres trouva ce symptôme très grave, et la manière dont il m’en parla changea toutes mes idées. Je retrouvais dans mon cœur une grande affection pour ma bonne maman quand je la voyais malade ; j’éprouvais alors le besoin de rester auprès d’elle, de la soigner, et une crainte excessive de lui faire du mal en lui faisant de la peine. Cette sorte de catalepsie revint cinq ou six fois par an pendant deux années, et reparut ensuite aux approches de sa dernière maladie.

Je commençai donc à me reprocher mes projets insensés. Ma mère ne les encourageait pas ; tout au contraire, elle semblait vouloir me les faire oublier en se faisant oublier elle-même, car elle m’écrivait assez rarement, et il me fallait lui adresser deux ou trois lettres pour en recevoir une d’elle. Elle s’apercevait, un peu tard sans doute, mais avec raison, qu’elle avait trop développé ma sensibilité, et elle m’écrivait : « Cours, joue, marche, grandis, reprend tes bonnes joues roses, ne pense à rien que de gai, porte-toi bien et deviens forte, si tu veux que je sois tranquille, et que je me console un peu d’être loin de toi. »

Je la trouvais devenue bien patiente à supporter notre séparation, mais je l’aimais quand même, et puis ma grand’mère devenait si chétive que le moindre chagrin pouvait la tuer. Je