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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/195

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Deschartres.

Je m’étais dit que tout ce que j’apprenais ne me servirait de rien, puisque, malgré le silence de ma mère à cet égard, j’avais toujours la résolution de retourner auprès d’elle et de me faire ouvrière avec elle, aussitôt qu’elle le jugerait possible. L’étude m’ennuyait donc d’autant plus que je ne faisais pas comme Hippolyte qui, bien résolûment, s’en abstenait de son mieux. Moi, j’étudiais par obéissance, mais sans goût et sans entraînement, comme une tâche fastidieuse que je fournissais durant un certain nombre d’heures fades et lentes. Ma bonne maman s’en apercevait et me reprochait ma langueur, ma froideur avec elle, ma préoccupation continuelle qui ressemblait souvent à de l’imbécilité, et dont Hippolyte me raillait tout le premier sans miséricorde. J’étais blessée de ces reproches et de ces railleries, et on m’accusait d’avoir un amour-propre excessif. J’ignore si j’avais beaucoup d’amour-propre en effet, mais j’ai bien conscience que mon dépit ne venait pas de l’orgueil contrarié, mais d’un mal plus sérieux, d’une peine de cœur méconnue et froissée.

Jusqu’alors Rose m’avait menée assez doucement, en égard à l’impétuosité naturelle de son caractère. Elle avait été tenue en bride par la fréquente présence de ma mère à Nohant, ou plutôt elle avait obéi à un instinct qui commençait à se modifier, car elle n’était pas dissimulée, j’aime à lui rendre cette justice. Je