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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/202

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à l’entraînement de sa caste, était devenue non pas royaliste, mais partisan de l’ancien régime, comme on disait alors. Elle s’était toujours fait une sorte de violence pour accepter, non pas l’usurpation heureuse de l’homme de génie, mais l’insolence des parvenus qui avaient partagé sa fortune sans l’avoir conquise aux mêmes titres. De nouveaux insolens arrivaient : mais elle n’était pas aussi choquée de leur arrogance, parce qu’elle l’avait déjà connue, et que, d’ailleurs, mon père n’était plus là avec ses instincts républicains pour lui en montrer le ridicule.

Il faut dire aussi qu’après la longue tension du règne grandiose et absolu de l’empereur, l’espèce de désordre anarchique qui suivit immédiatement la Restauration avait quelque chose de nouveau qui ressemblait à la liberté dans les provinces. Les libéraux parlaient beaucoup, et on rêvait une sorte d’état politique et moral jusqu’alors inconnu en France, l’État constitutionnel dont personne ne se faisait une idée juste, et que nous n’avons connu qu’en paroles ; une royauté sans pouvoirs absolus, un laisser-aller de l’opinion et du langage en tout ce qui touchait aux institutions ébranlées et replâtrées à la surface. Il régnait sous ce rapport beaucoup de tolérance dans un certain milieu bourgeois que ma grand’mère eût volontiers écouté de préférence à son vieux cénacle. Mais ces dames (comme disait mon père) ne lui permirent guère de