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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/207

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nom.

Pour n’y plus revenir, je dirai que, lorsque le Bellérophon l’emporta à Sainte-Hélène, je fis chavirer le navire en le poussant avec mon épée de feu ; je noyai tous les Anglais qui s’y trouvaient et j’emportai une fois encore l’empereur aux Tuileries, après lui avoir bien fait promettre qu’il ne ferait plus la guerre pour son plaisir. Ce qu’il y a de particulier dans ces visions, c’est que je n’y étais point moi-même, mais une sorte de génie, tout-puissant, l’ange du Seigneur, la destinée, la fée de la France, tout ce qu’on voudra excepté la petite fille de onze ans, qui étudiait sa leçon ou arrosait son petit jardin pendant les promenades aériennes de son moi fantastique.

Je n’ai rapporté ceci que comme un fait physiologique. Ce n’était pas le résultat d’une exaltation de l’âme ni d’un engouement politique, car, cela se produisait en moi dans mes pires momens de langueur, de froideur et d’ennui, et souvent après avoir écouté sans intérêt et comme malgré moi ce qui se disait à propos de la politique. Je n’ajoutais aucune loi, aucune superstition à mon rêve, je ne le pris jamais au sérieux, je n’en parlai jamais à personne : il me fatiguait, et je ne le cherchais pas. Il s’emparait de moi par un travail de mon cerveau tout à fait imprévu et indépendant de ma volonté.

Le séjour des ennemis à Paris y rendait l’existence odieuse et insupportable