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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/215

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reprocha ma cocarde blanche, comme je lui reprochai de m’avoir tiré les oreilles.

Quelques jours plus tard, en 1815, je ne lui aurais certainement pas fait cette mauvaise plaisanterie, car mon court essai de royalisme fut abjuré dans mon cœur, et voici à quelle occasion.

On voyait, au premier mot de ma grand’mère, et rien qu’à son grand air et à son costume suranné, qu’elle appartenait au parti royaliste. On supposait même chez elle plus d’attachement à ce parti qu’il n’en existait réellement au fond de sa pensée. Mais elle était fille du maréchal de Saxe, elle avait eu un brave fils au service, elle était pleine de grâces hospitalières et de délicates attentions pour ces brigands de la Loire en qui elle ne pouvait voir autre chose que de vaillans et généreux hommes, les frères d’armes de son fils (quelques-uns même l’avaient connu, et je crois que le général Colbert était du nombre), en outre ma grand’mère inspirait le respect, et un respect tendre, à quiconque avait un bon sentiment dans l’âme. Ces officiers qu’elle recevait si bien s’abstenaient donc de dire devant elle un seul mot qui pût blesser les opinions qu’elle était censée avoir, comme de son côté, elle s’abstenait de prononcer une parole, de rappeler un fait qui pût aigrir leur respectable infortune. Voilà pourquoi je vis ces officiers pendant plusieurs jours sans qu’aucune émotion nouvelle changeât la disposition de mon esprit ; mais un