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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/217

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cette honte avec tant d’âme, que je sentis la mienne se ranimer, comme le jour où j’avais entendu, en 1811, un enfant de treize ou quatorze ans parler de prendre un grand sabre pour défendre sa patrie.

Ma grand’mère, voyant que le général s’exaltait de plus en plus, voulut le calmer, et lui dit que le soldat était épuisé, que le peuple ne voulait plus que le repos. « Le peuple ! s’écria-t-il, ah ! vous ne le connaissez pas. Le peuple ! son vœu et sa véritable pensée ne se font pas jour dans vos châteaux. Il est prudent devant ses vieux seigneurs qui reviennent, et dont il se défie ; mais nous autres soldats nous connaissons ses sympathies, ses regrets, et, voyez-vous, ne croyez pas que la partie soit si bien gagnée ! On veut nous licencier parce que nous sommes la dernière force, le dernier espoir de la patrie : mais il ne tient qu’à nous de repousser cet ordre comme un acte de trahison et comme une injure. Pardieu ! ce pays-ci est excellent pour une guerre de partisans, et je ne sais pas pourquoi nous n’y organisons pas le noyau d’une Vendée patriotique. Ah ! le peuple, ah ! les paysans ! dit-il en se levant et en brandissant son couteau de table, vous allez les voir se joindre à nous ! Vous verrez comme ils viendront avec leurs faux et leurs fourches, et leurs vieux fusils rouillés ! On peut tenir six mois dans vos chemins creux et derrière vos grandes haies. Pendant ce temps, la France