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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/223

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se remarier honorablement à cette époque ; mais elle n’en voulut pas entendre parler, et, quoiqu’elle fût entourée d’hommages, jamais je ne vis moins de coquetterie et plus de réserve qu’elle n’en montra.

C’était un spectacle imposant que ce continuel passage d’une armée encore superbe dans notre vallée noire. Le temps fut toujours clair et chaud. Tous les chemins étaient couverts de ces nobles phalanges qui défilaient en bon ordre et dans un silence solennel. C’était la dernière fois qu’on devait voir ces uniformes si beaux, si bien portés, usés par la victoire, comme on l’a dit depuis avec raison, ces belles figures bronzées, ces fiers soldats si terribles dans les combats, si doux, si humains, si bien disciplinés pendant la paix. Il n’y eut pas un seul acte de maraude ou de brutalité à leur reprocher. Je ne vis jamais parmi eux un homme ivre, quoique le vin chez nous soit à bon marché, et que le paysan le prodigue au soldat. Nous pouvions nous promener à toute heure sur les chemins, ma mère et moi, comme en temps ordinaire, sans craindre la moindre insulte. Jamais on ne vit le malheur, la proscription, l’ingratitude et la calomnie supportés avec tant de patience et de dignité ; ce qui n’empêcha pas qu’ils ne fussent nommés les Brigands de la Loire.

Deschartres même jeta les hauts cris parce qu’un volume des Mille et une Nuits fut égaré,