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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/242

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L’art me semble une aspiration éternellement impuissante et incomplète, de même que toutes les manifestations humaines. Nous avons, pour notre malheur, le sentiment de l’infini, et toutes nos expressions ont une limite rapidement atteinte ; ce sentiment même est vague en nous, et les satisfactions qu’il nous donne sont une espèce de tourment.

L’art moderne l’a bien senti, ce tourment de l’impuissance, et il a cherché à étendre ses moyens en littérature, en musique, en peinture. L’art a cru trouver dans les formes nouvelles du romantisme une nouvelle puissance d’expansion. L’art a pu y gagner, mais l’âme humaine n’élève ses facultés que relativement, et la soif de la perfection, le besoin de l’infini restent les mêmes, éternellement avides, éternellement inassouvis. C’est pour moi une preuve irréfutable de l’existence de Dieu. Nous avons le désir inextinguible du beau idéal : donc le désir a un but. Ce but n’existe nulle part à notre portée, ce but est l’infini, ce but est Dieu.

L’art est donc un effort plus ou moins heureux pour manifester des émotions qui ne peuvent