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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/260

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volontaire. Il me racontait qu’il expiait la peine de quelqu’un, et que son abjection était destinée à racheter l’âme d’un de mes personnages coupable de faste ou d’indolence.

Dans le fossé couvert, je vis aussi apparaître un personnage mythologique qui m’avait fait une grande impression dans ma première enfance. C’était l’antique Démogorgon, le génie du sein de la terre, ce petit vieillard crasseux, couvert de mousse, pâle et défiguré, qui habitait les entrailles du globe. Ainsi le décrivait mon vieux traité de mythologie, lequel assurait, en outre, que Démogorgon s’ennuyait beaucoup dans cette triste solitude. L’idée m’était bien venue quelquefois de faire un grand trou pour essayer de le délivrer, mais lorsque je commençai à rêver de Corambé, je n’ajoutai plus foi aux fables païennes, et Démogorgon ne fut plus pour moi qu’un personnage fantastique dans mon roman. Je l’évoquais pour qu’il vînt s’entretenir avec Corambé qui lui racontait les malheurs des hommes et le consolait ainsi de vivre parmi les débris ignorés de l’antique création.

Peu à peu la fiction qui m’absorbait prit un tel caractère de conviction, que j’éprouvai le besoin de me créer une sorte de culte.

Pendant près d’un mois, je parvins à me dérober à toute surveillance durant mes heures de récréation, et à me rendre si complétement invisible, que personne n’eût pu dire ce que je