Aller au contenu

Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/283

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

verrais encore, et je ne veux plus le voir. Les bâtons et le courage n’y feraient rien, puisque ce n’est pas un homme humain. C’est plutôt fait comme une bête. »

Je commençais à comprendre et j’insistai d’autant plus pour le ramener avec moi à son panier et à ses sabots. Rien ne put l’y faire consentir. J’y allai seule, en lui disant au moins de me suivre des yeux, pour bien s’assurer qu’il avait rêvé. Il me le promit, mais quand je revins avec les sabots et les pigeons, mon drôle avait pris sa course et me les laissa très bien porter jusqu’aux premières maisons du village, où il arriva avant moi. J’essayai de lui faire honte. Ce fut bien inutile. C’est lui qui se moqua de mon incrédulité, et qui trouva que j’étais folle de braver un loup-garou pour ravoir deux malheureux pigeons.

Le beau courage que j’eus en cette rencontre, je ne l’aurais probablement pas eu trois ans plus tôt, car à l’époque où je passais une bonne moitié de ma vie avec les pastours, je confesse que leurs terreurs m’avaient gagnée, et que, sans croire précisément au follet, aux revenans et à Georgeon, le diable de la vallée noire, j’avais l’imagination vivement impressionnée par ces fantômes. Mais je n’étais pas de la race rustique et je n’eus jamais la moindre hallucination. J’eus beaucoup de visions d’objets et de figures, dans la rêverie, presque jamais dans la frayeur ; et