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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/288

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le soleil en fait une nappe de diamans, ou lorsque le gelée se suspend aux arbres en fantastiques arcades, en indescriptibles festons de givre et de cristal ? Et quel plaisir n’est-ce pas de se sentir en famille, auprès d’un bon feu, dans ces longues soirées de campagne où l’on s’appartient si bien les uns aux autres, où le temps même semble nous appartenir, où la vie devient toute morale et tout intellectuelle en se retirant en nous-mêmes ?

L’hiver, ma grand’mère me permettait d’installer ma société dans la grande salle à manger, qu’un vieux poêle réchauffait au mieux. Ma société, c’était une vingtaine d’enfans de la commune qui apportaient là leurs saulnées. La saulnée est une ficelle incommensurable, toute garnie de crins disposés en nœuds coulans pour prendre les alouettes et menus oiseaux des champs en temps de neige. La belle saulnée fait le tour d’un champ. On la roule sur des dévidoirs faits exprès, et on la tend avant le lever du jour dans les endroits propices. On balaie la neige tout le long du sillon, on y jette du grain, et deux heures après, on y trouve les alouettes prises par centaines. Nous allions à cette récolte avec de grands sacs que l’âne rapportait pleins. Comme il y avait de graves contestations pour les partages, j’avais établi le régime de l’association, et l’on s’en trouva fort bien. Les saulnées ne peuvent servir plus de deux ou trois jours sans