Aller au contenu

Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/287

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

absurde de nos riches s’épuise à lutter contre la nature. Les riches Anglais l’entendent mieux : ils passent l’hiver dans leurs châteaux.

On s’imagine à Paris que la nature est morte pendant six mois, et pourtant les blés poussent dès l’automne, et le pâle soleil des hivers, on est convenu de l’appeler comme cela, est le plus vif et le plus brillant de l’année. Quand il dissipe les brumes, quand il se couche dans la pourpre étincelante des soirs de grande gelée, on a peine à soutenir l’éclat de ses rayons. Même dans nos contrées froides, et fort mal nommées tempérées, la création ne se dépouille jamais d’un air de vie et de parure. Les grandes plaines fromentales se couvrent de ces tapis courts et frais, sur lesquels le soleil, bas à l’horizon, jette de grandes flammes d’émeraude. Les prés se revêtent de mousses magnifiques, luxe tout gratuit de l’hiver. Le lierre, ce pampre inutile, mais somptueux, se marbre de tons d’écarlate et d’or. Les jardins mêmes ne sont pas sans richesse. La primevère, la violette et la rose de Bengale rient sous la neige. Certaines autres fleurs, grâce à un accident de terrain, à une disposition fortuite, survivent à la gelée et vous causent à chaque instant une agréable surprise. Si le rossignol est absent, combien d’oiseaux de passage, hôtes bruyans et superbes, viennent s’abattre ou se reposer sur le faîte des grands arbres ou sur le bord des eaux ! Et qu’y a-t-il de plus beau que la neige, lorsque