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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/301

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nous faisions avec des fleurs, des miroirs, des dentelles et des rubans, tantôt des décors de théâtre, tantôt des chapelles, et nous chantions, ensemble à tue-tête tantôt des chœurs d’opéra-comique, tantôt la messe et les vêpres. Tout cela accompagné des cloches qui sonnaient à toute volée presque sur le toit de la maison, des amateurs qui répétaient en bas l’ouverture et les accompagnemens qu’on allait jouer le soir, et des hurlemens des chiens d’alentour qui avaient mal aux nerfs : c’était la plus étrange cacophonie et en même temps la plus joyeuse. Enfin l’heure du dîner arrivait ; on dépouillait vite les costumes improvisés. Charles ôtait à la hâte le jupon brodé de sa mère dont il s’était fait un surplis. Il fallait repeigner les longs cheveux noirs de Brigitte. Je courais cueillir dans le petit jardin les bouquets de la soirée. On se mettait à table avec grand appétit : mais Brigitte et moi nous ne pouvions pas manger, tant l’impatience et la joie d’aller au spectacle nous serraient l’estomac.

Heureux temps, ou l’on s’amuse, ou l’on s’éprend, ou l’on se passionne à si bon marché, êtes-vous passés sans retour pour mes amis et pour tous ceux qui ne sont plus jeunes ? Me voilà assez vieille, et, pourtant, à beaucoup d’égards, j’ai eu cette grâce du bon Dieu de rester enfant. Le spectacle m’amuse encore quelquefois comme si j’avais encore douze ans, et j’avoue que ce sont les spectacles les