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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/308

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l ne fut plus question de leçons ni d’écritures pendant ce temps d’expiation.

Voulait-on me faire sentir l’ennui de l’inaction ? on aurait dû me priver de livres ; mais on ne me priva de rien : et, voyant la bibliothèque à ma disposition comme de coutume, je ne sentis pas la moindre envie de me distraire par la lecture. On ne désire que ce qu’on ne peut pas avoir.

Je passai donc ces trois jours dans un tête à tête assidu avec Corambé. Je lui racontai mes peines, et il m’en consola en me donnant raison. Je souffrais pour l’amour de ma mère, pour l’amour de l’humilité et de la pauvreté. Je croyais remplir un grand rôle, accomplir une mission sainte, et comme tous les enfans romanesques, je me drapais un peu dans mon calme et dans ma persévérance. On avait voulu m’humilier en m’isolant comme un lépreux dans cette maison où d’ordinaire tout me riait, je ne m’en rehaussais que plus dans ma propre estime. Je faisais de belles réflexions philosophiques sur l’esclavage moral de ces valets qui n’osaient plus m’adresser la parole, et qui, la veille, se fussent mis à mes pieds parce que j’étais en faveur. Je comparais ma disgrâce à toutes les grandes disgrâces historiques que j’avais lues, et je me comparais moi-même aux grands citoyens des républiques ingrates, condamnés à l’ostracisme pour leurs vertus.

Mais l’orgueil est une sotte compagnie, et je