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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/352

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à tout ce qui fait la vie et le renouvellement de la vie intellectuelle. C’est faux et impossible. L’enfant qui étudie a déjà tous les besoins de l’artiste qui crée. Il faut qu’il respire un air pur, qu’il ait un peu les aises de son corps, qu’il soit frappé par les images extérieures, et qu’il renouvelle, à son gré, la nature de ses pensées par l’appréciation de la couleur et de la forme. La nature lui est un spectacle continuel. En l’enfermant dans une chambre nue, malsaine et triste, vous étouffez son cœur et son esprit aussi bien que son corps. Je voudrais que tout fût riant dès le berceau autour de l’enfant des villes. Celui des campagnes a le ciel et les arbres, les plantes et le soleil. L’autre s’étiole trop souvent, au moral et au physique, dans la saleté chez le pauvre, dans le mauvais goût chez le riche, dans l’absence de goût chez la classe moyenne.

Pourquoi les Italiens naissent-ils en quelque sorte avec le sentiment du beau ? Pourquoi un maçon de Vérone, un petit marchand de Venise, un paysan de la campagne de Rome aiment-ils à contempler les beaux monumens ? Pourquoi comprennent-ils les beaux tableaux, la bonne musique, tandis que nos prolétaires, plus intelligens sous d’autres rapports, et nos bourgeois élevés avec plus de soin, aiment le faux, le vulgaire, le laid même dans les arts, si une éducation spéciale ne vient redresser leur instinct ? C’est que nous vivons dans le laid et dans le vulgaire ;