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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/353

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c’est que nos parens n’ont pas de goût, et que nous passons le mauvais goût traditionnel à nos enfans.

Entourer l’enfance d’objets agréables et nobles en même temps qu’instructifs ne serait qu’un détail. Il faudrait, avant tout, ne la confier qu’à des êtres distingués soit par le cœur, soit par l’esprit. Je ne conçois donc pas que nos religieuses si belles, si bonnes, et douées de si nobles ou si suaves manières, eussent mis à la tête de la petite classe une personne d’une tournure, d’une figure et d’une tenue repoussantes, avec un langage et un caractère à l’avenant. Grasse, sale, voûtée, bigote, bornée, irascible, dure jusqu’à la cruauté, sournoise, vindicative, elle fut, dès la première vue, un objet de dégoût moral et physique pour moi, comme elle l’était déjà pour toutes mes compagnes.

Il est des natures antipathiques qui ressentent l’aversion qu’elles inspirent et qui ne peuvent jamais faire le bien, en eussent-elles envie, parce qu’elles éloignent les autres de la bonne voie, rien qu’en les prêchant, et qu’elles sont réduites à faire leur propre salut isolément, ce qui est la chose la plus stérile et la moins pieuse du monde. Mlle D…… était de ces natures-là. Je serais injuste envers elle si je ne disais pas le pour et le contre. Elle était sincère dans sa dévotion et rigide pour elle-même ; elle y portait une exaltation farouche qui la rendait intolérante et