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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/357

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mieux mérité de Dieu, de nos parens et de nous, si elles eussent sacrifié à notre bonheur, et, pour parler leur style, à notre salut, une partie du temps qu’elles consacraient avec égoïsme à travailler au leur.

La religieuse, qui relevait de temps en temps ces dames, était la mère Alippe : c’était une petite nonne ronde et rosée comme une pomme d’api trop mûre qui commence à se rider. Elle n’était point tendre ; mais elle était juste, et, quoiqu’elle ne me traitât pas fort bien, je l’aimais comme faisaient les autres.

Chargée de notre instruction religieuse, elle m’interrogea, le premier jour, sur le lieu où languissaient les âmes des enfans morts sans baptême. Je n’en savais rien du tout : je ne me doutais pas qu’il y eût un lieu d’exil ou de châtiment pour ces pauvres petites créatures, et je répondis hardiment qu’elles allaient dans le sein de Dieu. « À quoi songez-vous et que dites-vous là, malheureuse enfant ? s’écria la mère Alippe. Vous ne m’avez pas entendue ? Je vous demande où vont les âmes des enfans morts sans baptême ? »

Je restai court. Une de mes compagnes, prenant mon ignorance en pitié, me souffla à demi-voix : « Dans les limbes ! » Comme elle était Anglaise, son accent m’embrouilla, et je crus qu’elle faisait une mauvaise plaisanterie. « Dans l’Olympe ? » lui dis-je tout haut en me