Aller au contenu

Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/367

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

nesque, fantasque, satirique et enthousiaste. Elle prenait un morceau de papier, et, avec sa plume éclaboussante ou un mauvais bout de fusain que l’œil avait peine à suivre, elle jetait là des centaines de figures bien agencées, hardiment dessinées et toutes bien employées dans le sujet, qui était toujours original, souvent bizarre. C’étaient des processions de nonnes qui traversaient un cloître gothique ou un cimetière au clair de la lune. Les tombes se soulevaient à leur approche, les morts dans leurs suaires commençaient à s’agiter, ils sortaient, ils se mettaient à chanter, à jouer de divers instrumens, à prendre les nonnes par les mains, à les faire danser. Les nonnes avaient peur, les unes se sauvaient en criant, les autres s’enhardissaient, entraient en danse, laissaient tomber leurs voiles, leurs manteaux, et s’en allaient se perdre en tournoyant et en cabriolant avec les spectres dans la nuit brumeuse.

D’autres fois c’étaient de fausses religieuses qui avaient des pieds de chèvre, ou des bottes Louis XIII avec d’énormes éperons se trahissant sous leurs robes traînantes par un mouvement imprévu. Le romantisme n’était pas encore découvert, et déjà elle y nageait en plein sans savoir ce qu’elle faisait. Sa vive imagination lui avait fourni cent sujets de danses macabres, quoiqu’elle n’en eût jamais entendu parler et qu’elle n’en connût pas le nom. La mort et le diable jouaient tous les rôles, tous les personnages