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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/368

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possibles dans ses compositions terribles et burlesques. Et puis c’étaient des scènes d’intérieur, des caricatures frappantes de toutes les religieuses, de toutes les pensionnaires, des servantes, des maîtres d’agrément, des professeurs, des visiteurs, des prêtres, etc. Elle était le chroniqueur fidèle et éternellement fécond de tous les petits événemens, de toutes les mystifications, de toutes les paniques, de toutes les batailles, de tous les amusemens et de tous les ennuis de notre vie monastique. Le drame incessant de Mlle D…… avec Mary Eyre lui fournissait chaque jour vingt pages plus vraies, plus piteuses, plus drôles les unes que les autres. Enfin on ne pouvait pas plus se lasser de la voir inventer qu’elle ne se lassait d’inventer elle-même. Comme elle créait ainsi à la dérobée, à toute heure, pendant les leçons, sous l’œil même de nos argus, elle n’avait souvent que le temps de déchirer la page, de la rouler dans ses mains et de la jeter par la fenêtre ou dans le feu, pour échapper à une saisie qui eût amené de vives réprimandes ou de sévères punitions. Combien le poêle de la petite classe n’a-t-il pas dévoré de ces chefs-d’œuvre inconnus ! Je ne sais si l’imagination rétrospective ne m’en exagère pas le mérite, mais il me semble que toutes ces créations sacrifiées aussitôt que produites sont fort regrettables, et qu’elles eussent surpris et intéressé un véritable maître.