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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/369

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Sophie était l’amie de cœur d’Isabelle. C’était une des plus jolies, et la plus gracieuse personne du couvent. Sa taille souple, fine et arrondie en même temps, avait des poses d’une langueur britannique, moins la gaucherie habituelle à ces insulaires. Elle avait le cou rond, fort et allongé, avec une petite tête dont les mouvemens onduleux étaient pleins de charmes : les plus beaux yeux du monde, le front droit, court et obstiné, inondé d’une forêt de cheveux bruns et brillans ; son nez était vilain et ne réussissait pas à gâter sa figure ravissante d’ailleurs. Elle avait une bouche, chose rare chez les Anglaises, une bouche de rose bien littéralement remplie de petites perles, une fraîcheur admirable, la peau veloutée, très blanche pour une peau brune. Enfin on l’appelait le bijou. Elle était bonne et sentimentale, exaltée dans ses amitiés, implacable dans ses aversions, mais ne les manifestant que par un muet et invincible dédain. Elle était adorée d’un grand nombre et ne daignait aimer que peu d’élues. Je me pris pour elle et pour Isabelle d’une grande tendresse qui me fut rendue avec plus de protection que d’élan. C’était dans l’ordre. J’étais un enfant pour elles.

Quand nous fûmes réunies dans le cloître, je vis que toutes étaient armées, qui d’une bûche, qui d’une pincette. Je n’avais rien, j’eus l’audace de rentrer dans la classe, de m’emparer d’une barre de fer qui servait à attiser le poêle, et de