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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/396

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s. Du côté où elle me fit asseoir auprès d’elle, il n’y avait que des jeunes personnes, ses sœurs ou ses amies. De l’autre, des gens graves autour du fauteuil de sa mère, qui était un peu isolé en avant.

Je fus très désappointée de trouver dans l’héroïne de la Vendée une grosse femme très rouge et d’une apparence assez vulgaire. À sa droite, un paysan vendéen se tenait debout. Il était venu de son village pour la voir ou pour voir Paris, et il avait dîné avec la famille. Sans doute c’était un homme bien pensant, et peut-être un héros de la dernière Vendée. Il ne me parut point d’âge à dater de la première, et Louise, que j’interrogeai, me dit simplement : « C’est un brave homme de chez nous. »

Il était vêtu d’un gros pantalon et d’une veste ronde. Il portait une sorte d’écharpe blanche au bras, et une vieille rapière lui battait les jambes. Il ressemblait à un garde champêtre un jour de procession. Il y avait loin de là aux partisans demi-pasteurs, demi-brigands que j’avais rêvés, et ce bon homme avait une manière de dire madame la marquise qui m’était nauséabonde. Pourtant la marquise, presque aveugle alors, me plut par son grand air de bonté et de simplicité. Il y avait autour d’elle de belles dames parées pour le bal, qui lui rendaient de grands hommages et qui, certes, n’avaient pas pour ses cheveux blancs et ses yeux bleus à demi éteints autant de vénération que mon cœur naïf était disposé