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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/420

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j’aie vue au désespoir d’avoir prononcé des vœux. Elle ne s’en cachait guère et passait sa vie dans les soupirs et les larmes. Ces vœux éternels, que la loi civile ne ratifiait pas, elle n’osait pourtant pas aspirer à les rompre. Elle avait juré sur le saint sacrement ; elle n’était pas assez philosophe pour se dédire, pas assez pieuse pour se résigner. C’était une âme défaillante, tourmentée, misérable, plus passionnée que tendre, car elle ne s’épanchait que dans des accès de colère, et comme exaspérée par l’ennui. On faisait beaucoup de commentaires là-dessus. Les unes pensaient qu’elle avait pris le voile par désespoir d’amour et qu’elle aimait encore ; les autres, qu’elle haïssait et qu’elle vivait de rage et de ressentiment ; d’autres enfin l’accusaient d’avoir un caractère amer et insociable, et de ne pouvoir subir l’autorité des doyennes.

Quoique tout cela fût aussi bien caché que possible, il nous était facile de voir qu’elle vivait à part, que les autres nonnes la blâmaient et qu’elle passait sa vie à bouder et à être boudée. Elle communiait cependant comme les autres, et elle a passé, je crois, une dizaine d’années sous le voile. Mais j’ai su que peu de temps après ma sortie du couvent elle avait rompu ses vœux et qu’elle était partie, sans qu’on sût ce qui s’était passé dans le sein de la communauté. Quelle a été la fin du douloureux roman de sa vie ! A-t-elle retrouvé libre ou repentant l’objet