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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/436

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faisait, et capable de vous châtier à coups de balai, tout en riant plus haut que vous. Elle aussi aimait les diables et ne les craignait point.

Elle avait l’emploi de distiller l’eau de menthe, ce qui était une industrie très perfectionnée dans notre couvent. On cultivait la plante dans de grands carrés réservés, au jardin des religieuses. Trois ou quatre fois par semaine, on la fauchait comme une luzerne, et on l’apportait dans une vaste cave qui servait de laboratoire à la sœur Thérèse. Cette cave était située juste au-dessous de la grande classe, et on y descendait par un large escalier. C’était donc naturellement une de nos premières étapes quand nous partions pour nos escapades. Mais quand la distilleuse était absente, tout était fermé avec le plus grand soin, et quand elle était présente, il ne fallait pas songer à folâtrer au milieu de ses alambics et de ses cornues. On s’arrêtait devant la porte ouverte et on la taquinait en paroles, ce qu’elle acceptait fort bien. Cependant, moi qui savais faire tranquillement mes impertinences, j’arrivai bientôt à pénétrer dans le sanctuaire. Je me tins d’abord pendant quelque temps en observation ; j’aimais à la regarder. Seule dans cette grande cave éclairée par un jour blanc, qui, du soupirail, tombait sur sa robe violette, sur son voile d’un noir grisâtre et sur sa figure accentuée de lignes, terne de couleur comme une terre cuite, elle avait l’air d’une sorcière de Macbeth faisant ses évocations