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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/447

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nte et de douleur secrète. À cause de cela, on la croyait envieuse des avantages des autres. Cela n’était point. Elle avait une grande droiture de jugement, une grande élévation d’idées, et quand elle vous aimait assez pour ne plus rire avec vous, elle pleurait avec noblesse et s’emparait de votre sympathie. Longtemps nous caressâmes ensemble le rêve qu’elle viendrait habiter Nohant quand j’y retournerais. Ma grand’mère souriait à ce projet ; mais l’oncle d’Anna, à qui celle-ci en parla d’abord, ne s’y montra pas favorable.

Je l’ai revue une ou deux fois depuis notre séparation. Elle avait épousé un M. Desparbès de Lussan, de la famille de Mme de Lussan, qui avait été l’amie intime de ma grand’mère. Anna, mariée, n’était plus la même personne. Elle avait grandi, son teint s’était éclairci : sans être jolie, elle était devenue agréable. Elle habitait la campagne à Ivry. Son mari n’était ni jeune, ni riche ni avenant, mais elle s’en louait beaucoup, et, soit pour lui complaire, soit pour se réconcilier avec son sort, qui ne paraissait pas enivrant, elle était devenue dévote, de sceptique très obstinée que je l’avais connue.

Un autre changement qui m’étonna davantage et qui m’affligea, fut la contrainte et la froideur de ses manières avec moi. Je n’étais pourtant pas George Sand alors, et je ne songeais guère à le devenir. J’étais encore catholique, et si inconnue en ce monde que personne ne songeai