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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/448

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t à dire du mal de moi. La réserve de mon ancienne amie ne m’eût peut-être pas empêchée de la revoir, car je croyais deviner quelle n’était pas plus heureuse dans le monde qu’au couvent, et qu’elle aurait besoin de s’épancher avec moi quand nous serions seules ; mais je n’habitais point Paris, et les douze ou treize ans que j’ai passés a Nohant après mon mariage ont nécessairement rompu la plupart de mes relations de couvent. J’ai su qu’Anna avait perdu son mari après quelques années de mariage, et je ne sais pas ce qu’elle est devenue. Puisse-t-elle être heureuse ! Elle avait toujours désespéré de pouvoir l’être, et pourtant elle le méritait beaucoup.

Pendant près d’un an, Sophie, Fanelly, Anna et moi, nous fûmes inséparables. Je fus le lien entre elles ; car, avant que Sophie m’eût acceptée pour sa seconde, et que les deux autres m’eussent adoptée pour leur première, elles n’avaient pas marché ensemble. Notre intimité fut sans nuages. Je souffrais bien un peu des fréquentes indifférences de Sophie, qui se croyait obligée d’aimer Isabelle absente plus que moi, tandis que je me croyais obligée d’aimer Isabelle absente et Sophie indifférente plus que Fanelly et Anna, qui m’adoraient généreusement. Mais c’était la règle, la loi. On aurait cru mériter l’odieuse qualification d’inconstante si on eût dérangé l’ordre de la liste. Pourtant je dois dire à ma justification qu’en dépit de la liste, en dépit de l’ancienneté, en