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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/449

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dépit des promesses échangées, je ne pouvais m’empêcher de sentir que j’aimais Fanelly plus que toutes les autres, et je lui faisais souvent cet étrange raisonnement : « Par ma volonté tu n’es que ma troisième, mais contre ma volonté tu es ma première et peut-être ma seule. » Elle riait. « Qu’est-ce que cela me fait, me disait-elle, que tu me comptes la troisième, si tu m’aimes comme je t’aime ? va, ma tante, je ne t’en demande pas davantage. Je ne suis pas fière, et j’aime celles que tu aimes. » Isabelle revint de Suisse au bout de quelques mois, mais elle vint nous dire adieu, elle quittait définitivement le couvent. Elle partait pour l’Angleterre. J’eus un désespoir complet, d’autant plus que, tout absorbée par Sophie, elle s’apercevait à peine de ma présence et se retourna pour dire : « Qu’a donc cette petite à pleurer comme cela ? » Je trouvai le mot bien dur ; mais comme Sophie lui dit que j’avais été sa consolatrice et qu’elle m’avait prise pour amie, Isabelle s’efforça de me consoler et voulut que je fusse en tiers dans leur promenade. Elle revint nous voir une autre fois, et partit peu de temps après. Elle a fait un riche mariage. Je ne l’ai jamais revue.

Sophie ne se consola pas de cette séparation. Pour moi, dont l’amitié avait été plus courte et moins heureuse, je m’en laissai consoler par ma chère Fanelly, et je fis bien ; car Isabelle n’avait jamais vu en moi qu’un enfant, et d’ailleurs,