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Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/451

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accepter le lendemain ? Je n’ai jamais voulu me laisser dire ma bonne aventure, je ne croyais certes pas à la divination ; mais l’avenir matériel me paraît toujours quelque chose de si grave que je n’aime pas qu’on m’en parle, même en rébus et en jongleries. Pour mon compte, je n’ai jamais fait à Dieu qu’une demande dans mes prières : c’est d’avoir la force de supporter ce qui m’arriverait.

Avec cette disposition d’esprit, qui n’a jamais changé, je me trouvai donc heureuse au couvent plus qu’ailleurs ; car là, personne ne connaissant à fond le passé des autres, personne ne pouvait parler aux autres de ce qui devait leur arriver. Les parens parlent toujours de l’avenir à leurs enfans. Cet avenir de leur progéniture, c’est leur continuel souci, leur tendre et inquiète préoccupation. Ils voudraient l’arranger, l’assurer : ils y consument toute leur vie, et pourtant la destinée dément et déjoue toutes leurs prévisions. Les enfans ne profitent jamais des recommandations qu’on leur a faites. Certain instinct d’indépendance ou de curiosité les pousse même le plus souvent en sens contraire. Les nonnes n’ont pas le même genre de sollicitude pour les enfans qu’elles élèvent. Pour elles, il n’y a pas d’avenir sur la terre. Elles ne voient que le ciel ou l’enfer, et l’avenir, dans leur langage, s’appelle le salut. Avant même d’être dévote, ce genre d’avenir ne m’effrayait pas comme l’autre. Puisque,